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Pour Rosey Chan, le doux ronronnement du moteur d’une vieille voiture ou l’ambiance sonore du monde naturel sont les éléments déclencheurs d’un ensemble unique d'œuvres thérapeutiques.

L’art du son

Pour Rosey Chan, le doux ronronnement du moteur d’une vieille voiture ou l’ambiance sonore du monde naturel sont les éléments déclencheurs d’un ensemble unique d'œuvres thérapeutiques.

Rosey Chan frappe du bout des ongles le couvercle d’une théière métallique avant de me servir une tasse de thé à la menthe. « J'adore explorer différents sons que nous considérons comme allant de soi, que ce soit ce petit bruit de métal ou le grincement de la porte en bois qui se referme lentement. Chaque son possède une beauté unique », déclare-t-elle.

Pianiste classique de formation, Rosey Chan a étudié au Royal College of Music. Désormais installée à Londres, elle est devenue une artiste multimédia, musicienne et compositrice qui ne craint pas d’aller en quête de sons chargés de nuances. Qu’il s’agisse d’immortaliser le rugissement d’un vieil avion de combat depuis l’étroit siège passager tandis qu’il se livre à des acrobaties aériennes ou de foncer droit au cœur d’un orage électrique pour documenter les gouttes de pluie ricochant sur un mur en pierre, Rosey écoute le rythme de la musique partout où elle va.

Et elle déborde d’idées ambitieuses et sans complexes. Sa musique est un amalgame de compositions émouvantes, d’improvisations musicales et d’un sélect répertoire classique ponctué d’influences électroniques et sonores en tous genres. En mai 2002 elle présentera le dernier chapitre de ses expérimentations sonores et artistiques au cours de sa première exposition en solitaire à Londres.

Thérapie en Do mineur

Sa dernière aventure se prénomme Sonic Lab et est un endroit où coexistent sur une seule et même plateforme toutes les idées et les projets pluridisciplinaires de l'artiste. Le laboratoire possède même son propre conseil consultatif composé de neuroscientifiques et experts en santé intégrale et du sommeil et par un éclectique mélange de designers, artistes visuels d’avant-garde et conseillers de fréquence, dont bon nombre ont joué un rôle fondamental dans Sonic Apothecary, l’album publié par Rosey en 2021 qui a recueilli d'excellentes critiques.

« Bien entendu je ne suis pas scientifique mais je voulais en savoir plus sur les effets des ondes sonores sur le cerveau et ses neurotransmetteurs. Je voulais par exemple comprendre pourquoi un morceau de musique trouve plus de résonance en moi que d’autres créations de musique instrumentale ou pourquoi les différents genres musicaux sont source d’émotions différentes », explique-t-elle.

C’est au début de la pandémie, alors que le monde entier entrait en confinement, que Chan a commencé à imaginer, puis à composer la musique de Sonic Apothecary, sous forme de processus d’auto-guérison au cours de ces premières semaines de solitude, animée du désir d’aider les autres à mieux gérer les effets inattendus de l’isolement sur les patrons du sommeil, la santé mentale et les niveaux de stress. Elle explique que la musique avait été jusqu’alors un choix esthétique pour la plupart des gens, mais que petit à petit elle est devenue une expérience thérapeutique.

Construire sur un thème

Alors qu’elle mettait ses découvertes en pratique, un de ses amis, le célèbre designer architectural Thomas Heatherwick, l’a comparée à une « pharmacienne musicale » qui dispense la musique comme tonique pour les maux de l’ère moderne. Le concept d’« apothicaire » a immédiatement pris tout son sens pour Chan, dont certains membres de la famille pratiquent la médecine chinoise. C’est ainsi que lui est venu le titre Sonic Apothecary et sa nouvelle éthique musicale axée sur la guérison pour soutenir l’esprit, l’humeur et les émotions à travers une musique prescriptive.

« Thomas sait comment me motiver et le plus formidable, c’est que je fais exactement pareil avec lui », déclare Rosey Chan. « Beaucoup d’architectes renoncent à la responsabilité du son dans les espaces contemporains. Ils ne prêtent guère attention à l’acoustique des bâtiments polyvalents. Mais moi, j’ai tendance à poser à Thomas des questions comme : Et si un espace corporatif doit accueillir un groupe ? Quel type de conversations as-tu avec les clients quand vous abordez l’esthétique architecturale par rapport au son en général ? ».

Et quand à l’inspiration mutuelle, Heatherwick ajoute : « Quand je travaille en pensant à l’impact émotionnel des bâtiments et des lieux physiques que mon équipe et moi créons, j’envie l’incroyable monde musical de Rosey pour sa qualité intraveineuse capable de venir secouer instantanément les émotions sans aucune dimension visuelle confuse... c'est quelque chose qui pénètre droit dans l’âme. »

Sonic Apothecary a ensuite été enregistré durant un mois à l’Hotel Café Royal de Londres. La résidence choisie par l’artiste n’accueillait alors que quelques hôtes, ce qui dut sembler étrangement tranquille à quelqu’un comme Chan, habituée à jouer devant de larges publics à Carnegie Hall. Cela ne l’empêcha pas de jouer jusque tard dans la nuit sur son Steinway de prédilection, amené spécialement pour la durée de son séjour, ni d’inviter des amis de talent à venir explorer son processus créatif le jour. Nick Rhodes de Duran Duran, l’acteur Charles Dance et le designer Tom Dixon ne sont que quelques-uns des noms célèbres qui ont défilé à ces récitals poétiques, séances de brainstorming et autres jam-sessions imprévues. Quelques jours après son lancement, Sonic Apothecary avait déjà atteint les 10 millions de reproductions. Chan déclare : « C’était incroyablement gratifiant de savoir que ma musique avait touché 10 millions de cœurs en même temps ».

Son et rage

En 2021, dans une claire situation de « le ciel est la limite », armée de son matériel d’enregistrement, Rosey Chan eut l’occasion de monter à bord de l’un des douze seuls avions de combat russes Yak-3UTI encore en fonctionnement aujourd’hui. Apprendre à piloter semblait de toute évidence être l’étape suivante, de sorte qu’elle s’inscrivit dans un club en périphérie londonienne. « C’est un peu comme la pratique de la musique classique. Il faut de la discipline, de la concentration et de la volonté. J’ai adoré ça. Je suis accro aux idées et aux aptitudes perfectionnistes, et apprendre à piloter a contraint mon cerveau à penser différemment. »

Mais la vraie magie se produit quand elle touche le sol. « Dès que je mets le pied à terre, je ressens une incroyable énergie créative et motrice, qui m’inspire une manière différente de composer. C’est pour cela que j’aime vivre tout type d'aventures différentes. J’aime tout ce qui est un peu dangereux et un peu fou ».

Elle aurait aimé voler aujourd’hui mais des vents de 130 km/h étaient annoncés et il a fallu rester à terre. « Cela vaut probablement mieux », dit-elle, tout en essayant de refermer la récalcitrante porte en verre de son studio-terrasse qui se balance dangereusement sur ses gonds.

« Qu’est-ce que je disais ? On en revient toujours au son », s'exclame-t-elle tandis que le vent continuer de souffler sur le skyline de Londres.

Pour en savoir plus au sujet de Sonic Lab, allez sur wearesoniclab.com et découvrez Rosey Chan sur son site, roseychan.com.

Image : Credit Tina Zellmer

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